Macron veut contrôler les réseaux sociaux : derrière l'appel à la résistance

Macron veut contrôler les réseaux sociaux : derrière l'appel à la résistance

Macron veut contrôler les réseaux sociaux. C’est en tout cas le message qu’envoient ses dernières déclarations à l’Élysée, le mardi 29 octobre 2025, lors d’une réunion rassemblant 200 experts et acteurs du numérique. Officiellement, le président appelait à une « résistance » face aux « menaces des réseaux sociaux sur la démocratie ». Officieusement, c’est un tout autre combat qu’il prépare : celui du contrôle absolu de la parole publique en ligne.

Un appel à la « résistance » qui sonne comme un avertissement

« J’ai besoin de vous », a lancé Emmanuel Macron, en invitant les experts présents à formuler des propositions d’ici la fin de l’année pour lutter contre la « désinformation » et la « radicalisation numérique ». Des mots qui, au premier abord, peuvent paraître louables. Mais derrière ce discours, beaucoup y voient une nouvelle tentative du pouvoir pour étouffer la contestation citoyenne.

Depuis plusieurs années, l’exécutif cherche à encadrer toujours plus étroitement la parole sur Internet. Après la loi contre la « manipulation de l’information » en 2018, puis le Digital Services Act européen en 2024, le gouvernement français semble vouloir franchir un nouveau cap : faire de la régulation des réseaux sociaux un outil politique à part entière.

Des « menaces » brandies pour justifier un contrôle accru

Le discours du président s’appuie sur une peur légitime : celle des fake news, des discours haineux et de la manipulation des opinions. Mais c’est aussi une peur instrumentalisée. Car derrière la lutte contre la désinformation se cache une ambition politique : celle de contrôler ce que les citoyens peuvent lire, partager ou commenter.

Lors de sa prise de parole, Emmanuel Macron a pointé du doigt « les campagnes coordonnées, les attaques informationnelles et les bulles de radicalité ». Autant de termes flous, sans définition claire, qui laissent craindre une interprétation arbitraire. Qui décidera de ce qui est une « attaque informationnelle » ? L’État ? Les plateformes ? Ou les deux main dans la main ?

Selon plusieurs observateurs, cette logique pourrait aboutir à un modèle de censure déguisée, où les opinions jugées « dérangeantes » seraient écartées sous prétexte de protéger la démocratie. Un paradoxe inquiétant.

Un contexte politique tendu : le pouvoir et la peur du peuple

Depuis plusieurs mois, le climat social en France reste explosif : inflation persistante, colère contre les taxes, défiance envers les élites. Et face à cela, Emmanuel Macron semble plus que jamais chercher à verrouiller l’espace public. La rue est encadrée, les médias sont concentrés, et maintenant, c’est le tour du numérique.

Le président sait que la contestation citoyenne passe aujourd’hui avant tout par les réseaux sociaux. C’est là que s’organisent les mouvements, que circulent les vidéos dénonçant les abus de pouvoir, que se relaient les appels à manifester. En restreignant cet espace, il ne protège pas la démocratie : il la neutralise.

Plusieurs associations de défense des libertés numériques, dont La Quadrature du Net, ont déjà alerté : « Ce que le gouvernement appelle \"résistance\", c’est en réalité un contrôle politique de la parole. »

Le précédent du Digital Services Act : la censure institutionnalisée

Cette initiative présidentielle s’inscrit dans une dynamique plus large à l’échelle européenne. Le Digital Services Act, entré en vigueur en 2024, donne déjà aux institutions européennes le pouvoir d’imposer aux plateformes la suppression de contenus jugés « illégaux » ou « dangereux ».

Dans les faits, cette régulation a ouvert la voie à des dérives inquiétantes : suppression de campagnes associatives, blocage de publications militantes, restriction des messages considérés comme « politiques ». Ce dispositif est aujourd’hui critiqué pour son manque de transparence et sa dépendance à des acteurs privés.

Avec l’appel de Macron à « renforcer la résistance », c’est ce modèle que la France s’apprête à amplifier. Et la frontière entre régulation et censure devient chaque jour plus mince.

Des experts divisés : protéger ou museler la démocratie ?

Certaines voix, notamment au sein du Conseil national du numérique, estiment qu’une meilleure régulation est nécessaire. Mais beaucoup soulignent que la méthode choisie par le gouvernement pose problème : « On ne protège pas la démocratie en limitant la parole du peuple », rappelle le sociologue Jean-Baptiste Malet.

Les réseaux sociaux ne sont pas exempts de dérives, c’est une évidence. Mais vouloir les encadrer au point d’en faire des espaces aseptisés revient à supprimer ce qui fait leur force : la liberté d’expression spontanée et non contrôlée. Le risque, selon plusieurs chercheurs, est de voir émerger une « démocratie sous surveillance », où chaque message serait évalué selon sa conformité idéologique.

Quand Macron redéfinit la « résistance »

Le mot « résistance » a une résonance particulière dans l’histoire française. L’utiliser pour justifier une surveillance accrue d’Internet relève, pour beaucoup, de la provocation. Car de quoi les citoyens doivent-ils résister, sinon à l’emprise d’un pouvoir qui ne supporte plus la critique ?

Cette communication politique savamment calibrée sert avant tout à repositionner Emmanuel Macron en « protecteur » de la République, à un moment où sa popularité est au plus bas. Derrière les mots, une stratégie : apparaître comme le dernier rempart contre le chaos, tout en préparant un encadrement numérique sans précédent.

Vers une société sous contrôle algorithmique ?

Si cette logique se poursuit, la France pourrait bientôt basculer vers un modèle où chaque publication, chaque vidéo, chaque campagne serait filtrée par des algorithmes « validés » par l’État. Un système où les citoyens n’auraient plus le droit de déranger, ni même de débattre.

Et le pire, c’est que tout cela se ferait au nom de la démocratie.

Dans les prochaines semaines, les groupes de travail mis en place à l’Élysée devront présenter leurs conclusions. Officiellement, elles viseront à « protéger l’espace public numérique ». Mais pour beaucoup, il s’agira surtout de le restreindre.

Signez notre pétition contre la censure de la liberté d'expression sur les réseaux sociaux

Conclusion : un discours trompeur pour un pouvoir affaibli

En prétendant défendre la démocratie, Emmanuel Macron cherche avant tout à reprendre la main sur une opinion publique qui lui échappe. Cet appel à la « résistance » n’est pas une invitation au débat, mais un avertissement : la liberté d’expression est désormais sous surveillance.

Macron veut contrôler les réseaux sociaux, et derrière cette ambition, c’est tout le modèle démocratique français qui vacille. Car une démocratie sans liberté de parole n’en est plus une.

La vigilance citoyenne reste donc notre dernier rempart face à cette dérive inquiétante.

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Stéphane Richard

Stéphane Richard

Le 28/10/2025 à 23:00:00

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